Influences Rôlistes #3 - Rêve de Dragon

(En 2018 j'avais entamé une série de billets sur Facebook présentant les jeux qui m'avaient le plus influencé. Je n'ai jamais terminé cette série. Je me suis dit que c'était une occupation comme une autre en ces temps introspectifs, donc voici cette série, révisée et complétée.)


Après quelques années à jouer principalement à D&D et l'Appel de Cthulhu (avec quelques parties de Maléfices de temps en temps), je découvre Rêve de Dragon grâce à Michel. Il maîtrise un bout de la Cité des Treize Plaisirs pour Philippe et quelques autres lors d'une semaine de vacances JDR en 1989. Ça m'a ouvert l'esprit comme rarement. De 1989 à 1991, on a pratiquement joué qu'à ça, avec Eric, Philippe, Chloé et quelques autres (Xavier, Olivier, Cécile...)

Rêve de Dragon est un jeu low-fantasy avec une cosmogonie très particulière autour de laquelle l'ensemble de l'univers et du système est bâtie. C'était le premier jeu auquel j'étais confronté qui proposait un tout aussi cohérent. C'était aussi un jeu "gritty", selon toutes les définitions du terme, mais avec un fond très poétique. Cette contradiction apparente a beaucoup été critiquée par la suite, mais pour nous à l'époque ça fonctionnait parfaitement tout en proposant un système "réaliste".

Rêve de Dragon était aussi le travail d'un seul homme, Denis Gerfaud, ce qui assurait une vision d'ensemble et une continuité dans le suivi du jeu. Les scénarios longs (Miroirs des Terres Médianes) qu'il a publié à la fin des années 80 et au début des années 90 étaient souvent mémorables, et très inhabituels comparés aux produits medfan disponibles à l'époque. Vers la fin de la seconde édition, Gerfaud avait commencé à se répéter, mais tout bien considéré, ça reste un jeu et une gamme assez uniques dans l'histoire du jeu de rôle.

Selon les standards d'aujourd'hui, la mécanique de Rêve de Dragon est très crunchy, avec une multitude de jets de dés plus ou moins utiles, et je ne pourrais pas y jouer ou le maîtriser tel quel aujourd'hui. Mais j'ai toujours l'envie de revisiter la gamme avec une autre mécanique un jour, pour me focaliser sur ce que j'y trouve de meilleur et faire découvrir cet univers et cette ambiance à d'autres.

Au passage, RDD avait ceci d'unique que de nombreux aspects fictionnels du jeu résolvaient des problématiques de jeu: les déchirures de rêve permettaient de voyager d'un endroit à un autre, voire d'un monde à un autre; le gris rêve permettait des ellipses longues du récit, ou la mise en sommeil d'un personnage de joueur absent sans avoir à expliquer ce qu'il avait fait entre temps. Les rêves d'archétype permettaient de récompenser les joueurs à travers la progression de leur personnage tout en leur donnant des objectifs non pécuniaires, etc.

Rêve de Dragon est le jeu qui m'a fait percevoir qu'on pouvait avoir tout autant de plaisir à jouer un bouseux qu'un personnage puissant, que l'héroisme en jeu de rôle c'était quand on risquait la vie d'un personnage faible sur une action d'éclat, pas quand on se lançait à l'assaut en sachant qu'on s'en sortirait. Enfin, et sans doute est-ce là l'essentiel, qu'une dose de fantaisie et une louche d'irrationnel pouvaient s'insérer parfaitement dans des aventures médiévales fantastiques sans pour autant dénaturer la suspension d'incrédulité. La poésie de Rêve de Dragon hante mes parties jusqu'à ce jour.

Comments