Magic Pen de Dylan Horrocks



Sorti il y a plus de dix ans, Hicksville de Dylan Horrocks est une de mes bande dessinées de référence, et je vous en avais longuement parlé ici. Il vient de sortir une nouvelle BD fleuve intitulée Magic Pen. C'est peu de dire que j'attendais ça depuis longtemps. Une fois n'est pas coutume, l'ouvrage est sorti en Français avant la VO, donc dispo dans toutes les bonnes crèmeries.

Hicksville était une BD sur la BD, faisant appel à diverses techniques narratives, et parfois un peu ardue à la lecture d'autant que la plume de Horrocks n'était pas encore tout à fait solide. Magic Pen est aussi, d'une certaine manière, une BD sur la BD, mais là où Hicksville faisait penser à un road movie introspectif, Magic Pen est bien plus joueur et extraverti.

Tout commence avec la dévorante angoisse de la page blanche de Sam Zabel, dessinateur de bande dessinée de son état. Il fait certes quelques travaux alimentaires sur des comics américains, mais il n'en tire ni gloire ni plaisir (quand il arrive à travailler). Sa dépression créative se transforme en dépression tout court, et son couple commence à s'en ressentir. Bref, Sam Zabel ne va pas bien du tout.

Lors d'une convention littéraire à laquelle il est invité, il fait la rencontre d'Alice Brown, une jeune dessinatrice qui lui montre un vieux comic des années 50, "The Queen of Mars", écrit par un auteur néo-zélandais dont il n'a jamais entendu parler. Il est intrigué, tellement qu'il finit par plonger (littéralement) dans ces histoires martiennes.

Je ne vous en dis pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte, mais disons simplement que Sam va redécouvrir la bande dessinée sous un angle nouveau, et par là même se redécouvrir lui-même. La magie de Magic Pen c'est que c'est réellement une aventure, avec tous les ressorts des récits d'action, mais le décor qui change en permanence apporte un contrepoint plus réfléchi sur la diversité du médium et les clichés qu'ils charrie (trop) souvent. Il amène de façon assez subtile à se poser des questions sur la mysoginie de certains genres, le traitement de la sexualité dans la BD, l'importance des structures narratives, et tant d'autres sujets qu'on voit plutôt rarement abordés.

Je donne sans doute l'impression que Magic Pen est un bouquin un peu intello et donc chiant, mais en fait pas du tout: le ton est plutôt léger, c'est drôle, tendu, émouvant par moments. C'est aussi immersif, magnifique (entre le dessin plus assuré de Horrocks et la superbe colorisation, c'est vraiment un plaisir pour les yeux, au moins pour les fans de ligne claire) et admirablement bien construit. C'est aussi occasionnellement NSFW comme disent les anglo-saxons, donc ne l'offrez pas à vos petits neveux sans l'avoir lu vous même.

Bref, Magic Pen est à mon avis un truc assez magistral, un OVNI BD plus accessible que Hicksville (que je ne recommande pas moins pour autant), une oeuvre qui restera au-delà du divertissement qu'elle procure, profonde sans perdre sa légèreté. Très très chaudement recommandé.

(Ce billet a été initialement publié sur www.hu-mu.com le 26 Novembre 2014)

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