On dit que la meilleure BD sur la BD est l'Art Invisible (Understanding Comics) de Scott McCloud. C'est un bouquin génial, mais je n'arrive pas véritablement à le considérer comme une bande dessinée, même s'il en a la forme. Il y manque une vraie narration, un investissement émotionnel.
Pour moi la meilleure BD sur la BD c'est Hicksville de Dylan Horrocks, un OVNI narratif et visuel de premier plan qui n'a malheureusement pas la visibilité qu'il mérite. Dylan Horrocks est un auteur de bande-dessinée neo-zélandais qui a travaillé longtemps dans la BD indépendante mais qui a également officié comme scénariste sur divers titres chez DC Comics. Hicksville, sorti dans le milieu des années 90 agrège toutes les expériences de l'auteur dans le milieu à travers une sorte de quête initiatique étrange visant à comprendre ce qu'est Hicksville.
Leonard Batts, le (secondaire) personnage principal est un journaliste pour Comics World. Il a écrit un livre à succès sur Jack Kirby, et s'attaque maintenant à la star montante du monde des comics américain, Dick Burger. Il y a un certain mystère autour des origines de Burger, et ce dernier ne souhaite visiblement pas en parler. Batts se rend alors en Nouvelle-Zélande, à Hicksville, un trou paumé dont Burger serait originaire. Là-bas, personne ne veut lui parler de Burger, mais à travers Batts on découvre ce village bizarre où tout le monde est expert en bande dessinée et ou les fêtes du village se font costumé en héros de BD.
La trame de l'histoire est finalement un peu secondaire tant Hicksville est une lettre d'amour à la Bande Dessinée sous toutes ses formes. Horrocks y prend un malin plaisir à brouiller les pistes narratives, entre l'introduction où il se met en scène (mais est-ce vraiment lui?) recevant par courrier des planches étranges dont l'auteur lui est inconnu, les mises en abyme à répétition à travers les lectures de Pickle, le comic indie d'un des personnages (qui est aussi le titre du comic indie que publiait Horrocks lui-même et dans lequel Hicksville a été publié) et divers autres procédés narratifs qui ne sont pas sans rappeler Borgès ou Calvino.
D'ailleurs, si j'osais la comparaison, je dirais que pour moi Hicksville est un peu le 'Si Par Une Nuit d'Hiver un Voyageur...' de la bande dessinée. Là où le roman de Calvino jouait avec les codes du roman pour mieux lui déclarer son amour, Hicksville joue avec les codes de la BD pour mieux lui rendre hommage. C'est une oeuvre bizarre mais finalement assez facile à lire passées les premières surprises. C'est un roman graphique touchant et profond qui interroge sur le sens du récit et la manière dont on peut perdre son amour par amour de l'art.
(Ce billet a initialement été publié sur www.hu-mu.com le 21 Mars 2013)
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