Ce roman m'a été recommandé d'une manière un peu détournée: alors que je m'exprimais sur le génie du supplément Everway intitulé Spherewalker, écrit par Greg Stolze, mon copain Virgile me parle du fait qu'il est construit sur le même principe que le Dictionnaire Khazar. Je me suis promptement procuré le roman de Pavić pour ensuite mettre environ 6 mois à le lire.
Non pas parce qu'il n'est pas bon, ou même ardu à la lecture, mais simplement parce que l'absence de fil narratif linéaire a fait que je pouvais le laisser de côté plusieurs semaines sans avoir cette urgence à connaître la suite qu'on peut ressentir avec des romans plus classiques. Mais maintenant que je l'ai terminé, je le vois comme l'expérimentation littéraire stupéfiante qu'il est.
Le Dictionnaire Khazar se présente comme une reconstruction moderne d'une version antérieure (du XVIIè) d'un dictionnaire sur la conversion Khazare. Le point de départ de l'histoire, c'est la décision du chef des Khazars, une nation d'Europe de l'Est aux alentours du IXè siècle, que son peuple doit se convertir à une des trois grandes religions (hébraïque, islamique et catholique orthodoxe). Il fait donc appel à des émissaires de chacune de ces trois religions pour le convaincre de la meilleure pour lui et son peuple.
Le dictionnaire réunit les recensions des trois religions qui arguent chacune (évidemment) que les Khazars se sont finalement convertis à la leur et détaillent pourquoi. Ce faisant, le dictionnaire explore les vies de nombreux personnages, anciens et modernes (il y a trois grandes époques dans le dictionnaire, l'époque des Khazars eux-même (à la fin du premier millénaire), l'époque de la première édition du dictionnaire (XVIIè siècle) et l'époque à laquelle le dictionnaire moderne est compilé. Histoires et personnages s'interpénètrent à travers les entrées du dictionnaire, réfutant ou renforçant certains aspects des entrées précédentes.
Il n'y a pas en soi d'histoire, ou plutôt, l'histoire qui en ressort est celle bâtie par la reconstruction floue des éléments qui ont le plus marqué le lecteur. Soyons clairs, le Dictionnaire Khazar ne ressemble à aucun autre roman que j'ai lu, mais il parlera à ceux qui apprécient la réalité fictionnelle de Borges, les obsessions mystiques et religieuses d'Eco et la logique poétique de Calvino. Je sais que je lirais de nouveau ce livre un jour, il est à ce point excellent.
Merci pour ce bon article sur Le Dictionnaire khazar que j'ai eu le plaisir de traduire du serbe. Il vient d'être publié de nouveau (Editions Flora) accompagné d'une version interactive, telle qu'imaginée par son auteur, Milorad Pavic, en 1984. (https://www.amazon.fr/dp/B0CRYYWR4X)
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