Sur les Frontières est un jeu de rôles de Manuel Bedouet qui vise à mettre en scène la douloureuse découverte de la vie d'un groupe d'adolescents de familles nobles dans un Empire assiégé par les barbares.
Les joueurs y incarnent des Héritiers, benjamins de familles nobles qui, par tradition, s'en vont sur les frontières de l'Empire à l'âge de 12 ans. Officiellement, ils y amènent la lumière et la sagesse de l'Empire, s'y font une éducation et en reviennent Héros. En réalité, ils y découvrent la dure réalité du monde et, pour la plupart, en reviennent détruits ou pas du tout.
Il y a une grosse dose de pessimisme tragique dans Sur les Frontières, et pas seulement descriptif: la mécanique de jeu est entièrement orientée vers ce passage brutal et douloureux à l'âge adulte, lors duquel un Héros émergera peut-être. Les autres rencontreront leur Destin ou mourront en tentant de l'éviter.
Le Destin est une notion centrale du jeu. Il est déterminé aléatoirement par le joueur à la création de son personnage, et il est toujours tragique. Chaque personnage commence le jeu avec 6 points de Destin, jokers extrêmement puissants que les joueurs peuvent utiliser pour réussir des actions, survivre à une mort certaine, etc. Seulement une fois cette réserve épuisée, le destin s'abattra, implacable. Aux joueurs et au MJ de mettre l'accomplissement de cette destinée en scène.
La progression du personnage, son 'parcours du Héros' se manifeste à travers 12 Moments auxquels il doit se confronter avant de pouvoir être considéré comme un Héros. Ces moments sont des épreuves mais aussi des remises en causes de ses certitudes.
En soutien de cette colonne vertébrale, on trouve dans le jeu un mécanisme de résolution universel simple mais pas simpliste, avec des subtilités intéressantes (en tous cas à la lecture) et surtout une approche collective de la création d'univers qui va permettre au MJ et aux joueurs de peindre ensemble les grandes lignes de la lointaine contrée frontalière où leur apprentissage va se faire.
Côté univers, on a évidemment pas de description détaillée, tout juste quelques saveurs d'Empire décadent. J'ai pensé à Polaris de Ben Lehman (qui est cité en inspiration) avec heureusement une mécanique et un ton moins fumeux (on est pas obligé de jouer dans les vapeurs d'encens). J'ai aussi pensé à The Prince's Kingdom, un hack de Dogs in the Vineyard où les mormons étaient remplacés par les fils du roi sensés faire le bien de par le Royaume.
Bref, tout ça donne fichtrement envie de jouer. Je suis conscient évidemment des limites d'une critique de JdR qui ne teste pas le bouzin, mais j'ai bien l'intention de le faire quand un trou se manifestera dans l'agenda de ministre de nos parties de JdR shanghaïennes. Je vous dirais si cette bonne impression de lecture est confirmée à l'usage.
En attendant, ce joli ouvrage est dispo en PDF pour la modique somme de 5€, magnifiquement mis en page et illustré. La version arbre mort coûte 10€. A ce prix là, on peut se laisser tenter, d'autant que l'auteur propose également gratuitement un hack "far west" et diverses aides de jeu.
(Ce billet a été initialement publié sur www.hu-mu.com le 4 Mai 2015)
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