Le regretté Iain Banks signait ses romans de SF du nom d'Iain M. Banks et ses romans de "blanche" comme dirait Cédric sans le "M". Si je n'ai que récemment découvert la SF du bonhomme, je suis fan de longue date du reste de sa production. C'est donc avec une certaine anticipation que j'ai entamé Stonemouth, son avant-dernier roman hors SF. Avertissement: peu de ces bouquins étant traduits en Français, je me contenterais de citer les titres en VO.
Banks était Ecossais pur souche, et n'a jamais été aussi juste à mon avis que quand il écrivait l'Ecosse. Je ne connais pas assez bien ce pays et ses habitants pour savoir si la mise en scène qu'il en fait est "réaliste" ou "précise", mais elle sonne juste, et c'est de cette justesse dont on fait les bons romans. The Crow Road fait partie de mes bouquins à emmener sur une île déserte, et The Steep Approach to Garbadale m'avait également profondément touché (bien qu'ayant peut-être un peu trop de similitudes avec le précédent).
Avec Stonemouth, on est de retour en Ecosse. Pas l'Ecosse Edinbourgeoise d'un Alexander McCall Smith (pour plaisante qu'elle soit), celle plus rugueuse des villes industrielles et de la campagne. Stonemouth est une petite ville (fictive) au Nord d'Aberdeen, de ces villes où tout le monde connaît encore tout le monde. C'est aussi une ville sous l'emprise de deux familles criminelles qui font la pluie et le beau temps, la police détournant le regard tant que les choses ne dégénèrent pas dans la violence.
Banks aime détester les familles. Il les décrit avec une jubilatoire cruauté, un peu comme si la famille était le berceau de l'enfer. Dans Stonemouth, les Murston et les McAvett sont deux familles avant même d'être deux business du crime. Les McAvett sont presque normaux, les Murstons sont du tissu dont on fait les cauchemars. Sauf que notre personnage principal, Stewart Gilmour, tombe amoureux de la fille Murston, Ellie. Et contre vents et marées, leur affaire marche au point qu'ils vont se marier, avec la bénédiction de Donald, le père d'Ellie qui fait tourner la boutique et de Joe, le patriarche qui a pris Stewart sous son aile. Mais Stewart fait une connerie, une connerie qui dans toute autre famille n'aurait pas d'autre conséquence qu'un petit scandale de province. Mais dans la famille Murston...
L'action se passe cinq ans après cette connerie. Stewart revient à Stonemouth où il n'a plus mis les pieds depuis. Le patriarche est mort, et il avait explicitement demandé qu'on laisse Stewart revenir pour son enterrement. En l'espace de quelques jours, Stewart est confronté à son passé, à ses erreurs, il regarde en face sa connerie et ce qu'elle lui a fait perdre. Il comprend aussi que peut-être tout ne s'est pas tout à fait déroulé comme il le pensait. La tension est à son comble: les fils Murston ne lui veulent pas du bien, Ellie sera là également, ainsi que toute une clique d'amis et de connaissances de Stewart a perdu de vue.
Une des promesses de Banks c'est la surprise. Ses romans vont de l'action (Canal Dreams) au thriller (The Business) au polar (Complicity) à l'introspection politique (Dead Air) en passant par les affaires de famille écossaises sus-mentionnées. Stonemouth est peut-être un peu faible sur ce point, avec un déroulé plus facile à anticiper que dans ses meilleurs bouquins. Par contre la description de la ville et surtout de ses habitants, la tension permanente qui ressurgit par de courts évènements très violents, ce côté "ça va péter... ou pas" qui fait un peu penser à du Dashiell Hammett post-moderne sont tout à fait délicieux.
Au final, c'est un Banks de bonne facture et plaisant même s'il ne fait sans doute pas partie de ceux qu'on revisitera.
(Ce billet a été initialement publié sur www.hu-mu.com le 17 Mars 2014)
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