Red Country de Joe Abercrombie



J'ai peu de goût pour la plupart des publications de fantasy récentes, à l'exception notable du Trône de Fer. Ça ne m'empêche pas de toujours aimer le genre, je trouve juste rarement mon compte dans une littérature qui est souvent soit infantile, soit tellement tirée par les cheveux que je me perds avant d'avoir lu la moitié du bouquin. Abercrombie est une exception, depuis que j'ai découvert ses bouquins grâce à une chronique de Philippe.

Autant le précédent opus The Heroes m'avait laissé une drôle d'impression, due à un problème de rythme et à quelques tics de narration qui m'avaient agacés, autant le dernier, Red Country m'a enthousiasmé. On pourra dire ce que l'on veut, mais passé la trilogie de la Première Loi qui posait l'univers pour mieux le déconstruire, Abercrombie a réussi à se réinventer à chaque roman. Best Served Cold que j'avais trouvé jubilatoire se posait en Comte de Monte-Cristo sous hormones, The Heroes était un récit de bataille très resserré dans le temps qui parvenait (malgré les défauts mentionnés plus haut) à prendre au tripes de par la vision rare (et qui sonnait juste) des hommes pris dans le feu d'une confrontation armée. Red Country lorgne du côté du Far West, racontant la traversée des steppes désertiques de Shy et Lamb, une femme et son père adoptif à la recherche des frères et sœurs de Shy enlevés par des brigands.

Ruée vers l'or, ville sans foi ni loi, indiens ou apparentés, tous les ingrédients d'une histoire de cow-boys sont là, mais comme d'habitude Abercrombie s'éloigne suffisamment des clichés pour surprendre. Il y a ajoute aussi l'Inquisition que l'on connaît de longue date et une flopée de personnages secondaires déjà entraperçus dont certains deviennent dans Red Country des personnages principaux. Contrairement au traitement de la fin de The Heroes qui avait rattaché à toutes forces la trame du roman aux grands événements du Monde des romans précédents, dans Red Country ça ne sonne pas faux, et si ce mélange des styles peut paraître indigeste a priori, il est très bien traité. Entendons nous bien d'ailleurs: si le genre du bouquin s'apparente au Western, c'est clairement du côté de Clint Eastwood qu'il faut lorgner plutôt que de celui de John Wayne.

Abercrombie brille par la finesse de ses personnages, qui s'ils sont parfois des caricatures sont rarement simples et toujours crédibles. Les personnages de Shy et Temple dans Red Country sont particulièrement bien campés, et c'est autour d'eux deux que tourne toute l'histoire. On a accusé Abercrombie de n'avoir que des crevures pour héros, et même si c'est une description excessive de son univers, elle n'est pas entièrement dénuée de fondement. Red Country, sans verser dans la fleur bleue ressemble plus à une histoire de rédemption qu'à ce qu'il a pu écrire par le passé, et c'est tant mieux: ça aussi c'est neuf, et un peu d'amour et de positif dans un monde dominé par la noirceur et la petitesse, c'est d'autant plus puissant.

Bref, Red Country c'est de la bonne came. Ça s'apprécie sans doute un peu plus si on a lu les précédents, mais en réalité ce sont juste quelques références au passé de certains personnages qui vous passeront au-dessus si vous attaquez par celui-ci. Chaudement recommandé.

(Ce billet a été initialement publié sur www.hu-mu.com le 3 Septembre 2012)

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