Même Pas Mort de Jean-Philippe Jaworsky



On ne présente plus Jean-Philippe Jaworski dont le Gagner la Guerre a été un hit interplanétaire Français il y a quelques années (Hugin a adoré, Munin a boudé). Son nouveau roman Même Pas Mort est sorti en poche récemment, et je l'ai attrapé au détour d'une FNAC quelconque lors d'un passage au pays.

Histoire d'éviter tout malentendu, il n'y a rien à voir (mais alors rien) sur le fond entre Gagner la Guerre et Même Pas Mort. Le premier était un roman de fantasy enlevé mais somme toute classique sis dans un univers "renaissance" qui n'aurait pas détonné pour une partie de REIGN. Le second se veut un conte épique Celte, non seulement juste sur le fond mais également sur la forme.

Je suis incapable de vous dire s'il y arrive d'ailleurs, je n'ai aucune idée de la forme que pouvaient prendre les contes épiques Celtes (à part qu'elle était très probablement orale). Mais comme 99.99% des lecteurs potentiels en seront comme moi incapables, ça importe peu. Ce qui compte à mes yeux, c'est que ça sonne juste. C'est dense et immersif, déclamatoire et plein d'emphase, c'est cradingue et pétri de traditions bizarres. Bref, c'est de l'épique Celte, quoi.

Sans vouloir froisser l'auteur, je vais tenter une comparaison hasardeuse qui vaudra ce qu'elle vaut: Même Pas Mort, ce sont les mêmes ingrédients que la BD Slaine, mais sans le côté loufoque. Le roman se présente comme la narration de la vie du Roi Bellovèse, fils de Sacrovèse qui a été tué à la guerre par le frère de la mère de Bellovèse. Il est en âge de faire la guerre, mais pour les protéger, lui et son frère, leur mère n'a pas coupé leurs cheveux d'enfants. Ils sont néanmoins embringués dans une bataille qui verra Bellovèse mourir... puis renaître à la vie au moment de son agonie. Ce n'est pas naturel, il doit donc consulter les oracles pour lever l'interdit qui pèse sur lui. Et c'est cette consultation qui construit la série de mises en abyme du récit de Même Pas Mort.

J'ai lu ici ou là que contrairement à Gagner la Guerre, Même Pas Mort était trop docte et trop mou. Sur la première critique, il faudrait vraiment être réfractaire à un vocabulaire un tant soit peu élaboré pour trouver Même Pas Mort docte ou difficile à lire. En tous cas, quiconque a lu le Seigneur des Anneaux ne devrait avoir aucun mal avec le niveau d'écriture de Même Pas Mort.

Sur la seconde critique, je la comprends mieux mais elle me semble excessive. Personnellement, la lenteur de la première partie du récit ne m'a en rien dérangé. Ce roman est immersif avant tout, et les descriptions justes, le temps que met Jaworski pour installer l'action, les détails du quotidien, même en temps de guerre, tout contribue pour moi à créer une ambiance qui me plaît. Ca laisse aussi lentement monter la tension vers un final à double détente franchement chouette, à la fois dans les souvenirs d'enfance de Bellovèse et dans le présent de ce premier tome (qui rappelons le est une chronique de sa vie, donc tout de même dans le passé).

Bref, si vous cherchez un livre facile et détendant, ça ne sera peut-être pas votre premier choix, mais ça n'en est pas moins un excellent bouquin, très différent de ce qu'on attend généralement de la fantasy (en est-ce d'ailleurs? Je me pose la question). C'est aussi un petit bijou d'écriture et de reconstitution mythologique dont le rythme lent est un magnifique chemin vers l'immersion.

(Ce billet a été initialement publié sur www.hu-mu.com le 2 Mars 2015)

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