(Ce billet a été initialement publié sur www.hu-mu.com le 26 Juin 2012)
J’ai lu mes premiers bouquins de Ben Elton il y a plus de 15 ans lorsque je vivais en Angleterre. Là-bas, Elton est une célébrité, ayant scénarisé et filmé les saisons 2-4 de la série télé Blackadder, fait du stand-up et frayé avec de fameux humoristes des années 90 comme Rowan Atkinson, Stephen Fry, Hugh Laurie, j’en passe et des meilleurs. La carrière d’écrivain d’Elton pré-date ces pitreries scéniques et télévisuelles, mais ses trois premiers bouquins (Stark, Gridlock et This Other Eden, tous trois dans une veine vaguement science-fictionnesque) n’ont pas eu un grand retentissement. C’est Popcorn, sorti en 1996 et ayant pour point de départ une situation inspirée du film d’Oliver Stone ‘Natural Born Killers’ qui le lance dans une carrière consacrée essentiellement à l’écriture. Il est prolifique (10 romans en 13 ans à partir de Popcorn) et voit l’un desdits romans adaptés au cinéma (Maybe Baby avec Hugh Laurie, adapté de Inconceivable).
La critique récente de son Blind Faith par Gromovar Wolfenheir, dont j'ai peut-être inspiré la lecture lors d'une discussion sur Google + m’a encouragé à écrire un billet passant rapidement en revue l’œuvre d’Elton puisque j’en ai lu l’essentiel (10 romans sur 15). L’idée n’est pas ici de critiquer en détail chaque bouquin mais plutôt de brosser rapidement le thème, l’intérêt et d’en recommander (ou non) la lecture. Je vais structurer ce billet en m’inspirant vaguement des critiques de films du Canard Enchainé ; on listera donc les indispensables, ceux qu’on peut lire avec plaisir, ceux qu’on peut lire à la rigueur et ceux qu’on ferait mieux d’éviter.
D’une manière générale, l’unité thématique de l’œuvre d’Elton si elle existe est dans la critique des faits de société établie à travers une bonne dose d’humour acerbe, un soupçon occasionnel d’anticipation et une description très juste de la société anglaise (voire à ce sujet la mini-critique de Popcorn, le seul de ses romans qui n’implique pas des personnages Anglais).
Les Indispensables
Dead Famous (Devine qui vient mourir ce soir ? en Français) est un polar en huis clos un peu particulier… puisqu’il a pour point de départ un meurtre sur le plateau télé d’un ‘Loft Story’. On sent déjà la critique acerbe du voyeurisme à outrance que Elton développera plus tard dans Blind Faith. La vacuité, la bêtise crasse et le vocabulaire des participants sont plus vrais que nature et hilarants (même si je ne peux pas garantir que le vocabulaire passe aussi bien en Français…) L’enquête policière qui se déroule alors que le jeu continue (pour des raisons financières) n’est finalement pas le plus intéressant dans ce bouquin, même si le côté « mystère de la chambre jaune » marche bien. Au final, le livre est quand même bien plus léger qu’Inconceivable ou Blind Faith, mais reste très fun et bien mordant.
High Society (Nuit Grave en Français) est à fond dans la veine de critique sociale des bouquins les plus récents d’Elton, et particulièrement d’actualité (même s’il date de 2002) puisqu’il traite de la légalisation de la drogue. Le personnage central en est Peter Paget, un parlementaire qui parvient à pousser une loi dépénalisant l’ensemble des drogues. C’est un peu l’histoire de son ascension et de sa chute. Parallèlement, on suit divers personnages dont la plupart se droguent d’une manière ou d’une autre. Le cirque médiatique qui suit Paget, la nouvelle coqueluche politique suite à sa proposition controversée fait se croiser ces divers personnages, avec les conséquences tragi-comiques qu’on imagine. Au-delà de l’intérêt (et de la drôlerie) du bouquin, on y trouvera un argumentaire pour la légalisation de la drogue qui ferait peut-être réfléchir plus d’un politicien rationnel…
Avec Blind Faith (non traduit en Français), Elton renoue avec les bouquins plus SF de ses débuts. Blind Faith décrit une société Anglaise post-montée des eaux où tous les penchants voyeuristes de notre société connectée moderne sont poussés à leur paroxysme et définissent la norme sociale. On s’y montre et s’y observe sans cesse, même dans les moments les plus intimes. Ne pas vouloir s’exposer ainsi est à la fois suspect et hérétique. Le génie du modèle social de cette dystopie religieuse c’est que l’on est pas surveillé par la police politique, mais par ses voisins, ses amis, sa concierge et ses collègues. Un excellent bouquin très dérangeant dont l’humour peine parfois à percer à travers le malaise.
Ceux qu’on peut lire avec plaisir
Blast from the Past (Une Jolie Bombe en Français) est un livre moins ambitieux, du moins en apparence. Il commence lorsqu’au milieu de la nuit Polly, une femme trentenaire à la vie morne et sans perspectives est réveillée par la sonnerie de son interphone. Elle panique d’abord puis fini par répondre pour voir arriver sur son palier Jack, un militaire américain qui fut son amant lorsqu’ils étaient jeunes. A travers une série de flashbacks on suit leur idylle puis les destins très différents qui les ont séparés. Je ne vous raconte pas le dénouement qui est assez énorme et contient l’indispensable dose de critique sociale qui est le propre d’Elton. Un bon bouquin, même s’il n’est pas suffisamment ‘mindblowing’ pour figurer dans les indispensables.
The First Casualty (Non traduit en Français) est le seul bouquin d’Elton (de ceux que j’ai lus) qui se déroule dans le passé, plus précisément pendant la Première Guerre Mondiale. Le personnage central, Douglas Kingsley, est un excellent inspecteur de police, mais également un objecteur de conscience, ce qui lui a valu un emprisonnement préventif dans les geôles de sa Majesté. Courant 1917, on lui propose une amnistie s’il accepte d’enquêter sur la mort suspecte du héros de guerre et célèbre poète Viscount Abercrombie lors de sa convalescence dans un hôpital des Flandres. Douglas accepte et se retrouve dans l’absurdité ultime qui consiste à essayer d’élucider la mort d’un homme alors que des milliers sont décimés autour de lui. Un très bon bouquin sur le fond auquel il manque toutefois un peu de souffle à mon avis.
Past-Mortem (Amitiés Mortelles) est un polar. S'il est assez classique sur la forme (un serial killer, un inspecteur montant de la police qui se bat pour convaincre que ce sont bien des crimes en série, etc.) il aborde également un sujet intéressant : la perception qu'on a de notre propre succès et la manière dont elle évolue avec l'âge. L'inspecteur Edward Newson se voit comme un loser jusqu'au soir d'une réunion d'anciens collégiens où il constate à sa grande stupéfaction qu'il est sans doute un de ceux qui a le mieux réussi de sa classe. S'ensuivent une série de rencontres sexuelles avec d'anciennes camarades de classe alors que les meurtres se rapprochent de lui et de son passé. On a reproché à Elton d'être très cru dans ce roman, à la fois sur les scènes de meurtres et sur les scènes de sexe, mais ça marche plutôt bien à mon avis et l'intrigue est solide et haletante.
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